(…) les « niveaux de croyance« (la formule est de lui) dont M.Snow joue dans toute son oeuvre, et notamment dans ses films.
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Snow affirmait que ses films et ses photos permettent au spectateur de voir ce qui est vraiment là, et pas seulement ce qui est représenté.
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La « suspension de l’incrédulité », qui constitue le ressort du film narratif, se trouve invoquée contre la « matérialité » revendiquée par Snow.
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Une oeuvre d’art intéressante doit comporter un niveau subjectif qui n’est connu (ou habituellement perçu) que par l’artiste ; cette dimension subjective échappe au spectateur, mais fournit une
énergie nécessaire et secrète à l’oeuvre, dont elle constitue l’ »inconscient ».
Les représentations peuvent, dans certains passages des films de Snow, devenir pour ainsi dire « abstraites », dans la mesure où elles n’ont aucune fonction figurative. Plus souvent, l’image apparaît
clairement comme un substitut de ce qu’elle représente.
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Dans la photographie et le cinéma, la perte de la troisième dimension induit, pour le moins, une coupure radicale entre le réel et son image. Même la plus « réaliste » des représentations filmiques
est aussi proche du hiéroglyphe que de son sujet premier. Cette donnée de fait, rapportée à l’indéniable pouvoir hallucinatoire et informatif des images réalistes, constitue l’une des sources d’énergie des films de Snow.
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Naturellement, la vie telle que nous la vivons actuellement est largement faite de représentations, mais l’art aujourdhui, pour ajouter quelque chose à la « vie vécue », ne doit pas être une image
spéculaire. Il doit se présenter comme une construction, une chose ajoutée à la vie, et non comme son reflet.
M.Snow, des écrits 1958-2003, p70-71